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20 novembre 2020 | Comprendre l'islam, Mosquées

Le Conseil des imâms du CFCM : des radicaux pour lutter contre le radicalisme

Voici le communiqué qu’on peut lire sur le site du Conseil dit « Français » du culte musulman en date du 19 novembre :

« Le Président de la République, M. Emmanuel Macron, a reçu les présidents des fédérations composantes du CFCM, au Palais de l’Elysée, ce mercredi 18 novembre 2020, en présence du Ministre de l’intérieur, M. Gérald Darmanin, pour faire le point sur l’avancement du projet de création du Conseil National des Imams (CNI).

Cette rencontre a été également l’occasion d’échanger sur le projet de loi de renforcement de la laïcité et de lutte contre l’extrémisme se réclamant de l’islam.

La création du Conseil National des Imams, décidée à l’unanimité par les composantes de l’instance représentative du culte musulman, est devenue une urgence et une nécessité afin que les imams puissent exercer leurs missions dans un cadre clairement établi et applicable à tous sur l’ensemble du territoire national.

Le CNI met en place une procédure d’agrément des imams au niveau national en fonction de leurs connaissances religieuses, compétences pédagogiques et leurs qualités humaines.

Le CNI a pour mission également, entre autres, 

 Proposer des formations aux imams agréés.

– Assister les imams agréés dans le cadre de la prévention de la radicalisation. […]

Le CNI sera composé des présidents des 9 fédérations composantes du CFCM (CCMTF, CIMG, FFAIACA, Foi et Pratique, GMP, AISD-Réunion, MF, RMF, UMF) et d’imams conférenciers. » »

Décryptage de l’Observatoire de l’islamisation :

Ces acronymes, nommant les principales fédérations de mosquées en France, sont obscurs pour beaucoup, alors voici l’identité de ces fédérations liées à des états étrangers ou des mouvements transnationaux :

  • Le Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF) est étroitement lié au DITIB piloté par le ministère turc des Affaires réligieuses, le Diyanet.D’ailleurs le DITIB présent dans tous les pays européens où se trouve une diaspora turque, s’appelle chez nous Union Turco-islamique des Affaires religieuses en France, afin de bien souligner son émanation du ministère turc. Loyaux au président Erdogan, les membres du CCMTF posent donc un problème de loyauté envers la république française, les deux pays étant en grande tension diplomatique, c’est un euphémisme que de le dire.
  • La Confédération islamique du Millî Görüş France (CIMG),mouvement islamiste turc, regroupe selon ses chiffres 71 mosquées fréquentées le vendredi par 63776 fidèles.Une fédération scolaire créée par le CIMG nommée Union européenne pour l’enseignement privé musulman (UEPM) regroupe actuellement cinq écoles primaires et secondaires. Les projets de mosquées et établissements scolaires en cours sont au nombre de 22, avec une présence dans toutes les régions françaises. Le Millî Görüş en France fait très attention à sa communication, à lisser ses discours pour obtenir les autorisations d’ouvertures de ses propriétés, mais la maison mère turque est d’un extrémisme notoire louant un état islamique, et un djihâd multidimensionnel dans ses brochures internes comme l’a révélé le sociologue turc Mustafa Pekoz dans son ouvrage Le développement de l’islam politique en Turquie(L’Harmattan, 2011). Extraits ici.
  • La Fédération française des associations islamiques d’Afrique, des Comores et des Antilles (ffaiaca), ne pose pas de soucis d’ingérence étrangère ou d’extrémisme, donc nous ne nous attardons pas.
  • Foi et Pratique. Le mouvement Tabligh en France est solidement ancré depuis son implantation en France au début des années soixante-dix, avec environ 25 000 fidèles pratiquants nombre toujours en progression étant donné qu’en 2012 le Service central du renseignement en dénombrait 139 contre 147 en 2017. Deux associations encadrent les fidèles, « Foi et pratique », longtemps dirigée par le tunisien Mohammed Hammami jusqu’à son expulsion en 2012 pour extrémisme, et « Tabligh Wa Da’wa Alillah » créé en 1978 par des dissidents autour de Wissam Tabbara, un libanais naturalisé français. La première siège toujours au Conseil français du culte musulman, et il est important de noter qu’aux premières élections de ce Conseil (en 2003) Foi et Pratique avait contracté une alliance avec les Frères Musulmans de l’UOIF. Les liens entre tablighis et Frères Musulmans transparaissent lorsque le soutien de Tariq Ramadan et recteur de la mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, avec d’autres imâms de l’UOIF, signèrent une pétition pour défendre Mohammed Hammami contre son expulsion. Pourtant, le président de Foi et Pratique qui était imâm à la mosquée Omar de Paris (la plus extrémiste de la capitale) fut expulsé du territoire français pour avoir « valorisé le jihad violent, proféré des propos antisémites et justifié le recours à la violence » contre les femmes, annonça à l’époque le ministère de l’Intérieur (dépêche AFP du 31/10/2012). En 2004 des journalistes de Canal + furent agressés pour avoir tenté d’approcher l’école islamique de Foi et Pratique.
  • Autre mosquée tablighi ayant des liens avec l’UOIF, celle de Lunel nommée Baraka fréquentée par une vingtaine de djihadistes partis en Syrie, dont 8 sont morts sur place. Cette mosquée invite des imâms de l’UOIF (renommée Musulmans de France) à prêcher comme Abdelmonaim Boussenna en mai 2016 et Nourredine Aoussat en mars 2016, ce dernier considérant le Frère Musulman égyptien Safwat Hijazi comme un « frère et compagnon de la Dawa’ » déplorant son emprisonnement pour terrorisme en juin 2015 . Aussi, les meilleurs élèves au sein de l’école coranique de la mosquée, fréquentée par 300 individus, sont envoyés à l’école de charia des Frères en France l’IESH, ainsi que l’atteste sa page Facebook le 7 avril 2019.

Le mouvement Tabligh dans son ensemble possède deux des plus grandes mosquées de l’organisation au niveau européen, à Dreux et Saint-Denis. A Dreux, la mosquée Assouna dirigée par Said Mouharir, marocain tout comme l’intégralité du bureau de l’association, regroupe mille fidèles chaque vendredi et trois-cent enfants suivent les cours de l’école. A Saint-Denis, la mosquée Er-Rahma est considérée comme le centre (ou markaz) le plus important du mouvement en France et le second en Europe, après celui de Dewsbury (Grande-Bretagne). Il est l’un des centres de diffusion de la doctrine et de la stratégie du mouvement, élaborée chaque année en Inde et au Pakistan par son « Emir du monde », un descendant du fondateur Ilyas Al Kandhlawi (mort en 1944). D’ailleurs les militants les plus actifs en France, un noyau dur de 6000 personnes, ont des missions de deux semaines de prosélytisme itinérant en France à réaliser (le kouroudj), et pour les cadres des stages obligatoires de formation au Pakistan pendant 40 jours. Englués dans le moyen-âge, les fidèles ne doivent manger avec les mains, entrer dans la salle de bain du pied gauche, et autres arriérations qu’ils partagent avec les Talibans procédant de la même matrice de l’école Déobandi dont le centre Darul Uloom en Inde prohibe même l’usage de la photographie.

Huit mosquées Tabligh existent dans l’agglomération parisienne, et l’infiltration de la mosquée Omar de Paris par le journaliste d’investigation Tsvika Yehezkeli a permis de prendre connaissance de prêches toujours aussi incendiaires que sous la direction de Mohammed Hammami cité plus haut. Dans son documentaire produit par AG Production et diffusé en Israël en 2018 il enregistre l’imâm prononcer : « Dieu renforce l’Islam et les musulmans. Donne à qui soutient la religion, la victoire ! Et abats les idolâtres ! Et extermine les ennemis de la religion ! Continues à soutenir tous nos frères Moudjahidines [les soldats du djihad] . Allah hisse l’étendard du djihâd ! ». Malheureusement cette mosquée n’est toujours pas fermée et le fils de Mohammed Hammami, Hamadi, a repris les rênes de Foi et Pratique et est même chargé de mission par le Conseil Français du Culte Musulman en tant que membre permanent. Car si une partie du bureau du CFCM est élue, une autre est constituée de membres de plein droit. Hamadi Hammami, interviewé lors de la dernière AG du Millî Görüş en tant qu’ami du mouvement islamiste.

Au début des années 2000, les Renseignement Généraux alertaient déjà sur la nocivité de ce mouvement en expliquant qu’il « est certain que les convertis, déjà imprégnés de l’intégrisme religieux du Tabligh, constituent un vivier où viennent piocher les islamistes djihadistes ». Rappelons l’identité des terroristes qui ont fréquenté les mosquées tabligh ces dernières années : Khaled Kelkal, Zakarias Moussaoui, Richard Reid, Djamel Loiseau et Djamel Beghal, rien que ça ! Un ancien activiste d’Al Qaida se confia à Ali Laidi et Eric Dénécé dans le cadre de leur essai Guerre secrète contre Al Qaida(Ellipse, 2002) et informait qu’il fut envoyé à l’étranger par le Tabligh dans des camps d’entrainement en Afghanistan et au Pakistan.

  • MF est l’acronyme de Musulmans de France, nouveau nom des Frères Musulmans de l’UOIF.

 Lors d’un entretien avec le journal algérienl’Expression du 16 mai 2002, Lhaj Thami Breze membre fondateur et alors secrétaire général, dut s’expliquer sur la présence au congrès de la même année, du chef des Frères musulmans algériens de l’époque, Mahfoud Nahnah (mort en 2003) dirigeant du Mouvement de la société pour la paix MSP.

« Votre organisation n’est-elle pas proche des Frères Musulmans ?

Nous sommes des Frères musulmans, mais nous ne sommes pas les Frères musulmans. Tout le monde, à mon avis, doit être fier des Frères musulmans. Cheikh Nahnah a un mouvement de Frères musulmans. Les Frères musulmans représentent le renouveau[…].
Les Frères musulmans, nous les connaissons bien, sont le meilleur des mouvements qui existent. Ils ont su bien s’adapter à la modernité et ils ont su aussi adapter le discours et la pratique de l’islam à notre époque. Moi, je pense comme Cheikh Nahnah qui est un personnage moderne et modéré.
 »

Des anciens membres repentis de MF/UOIF avouent maintenant avoir dû prêter le serment d’allégeance à la confrérie, la Baya’,démontrant que la fédération musulmane est bien en union avec elle. Il s’agit des responsables étudiants de l’UOIF Farid Abdelkrim et Mohamed Louizi, qui ont publié des livres renseignant sur le fonctionnement interne de l’organisation.

Or, la doctrine des Frères Musulmans est bien connue, l’édification d’un califat transnational par le jihâd armé quand cela est possible, séparatisme culturel et conquête sociale et territoriale. Se référer au livre « Le Projet » de Razavi et Del Valle pour plus d’informations.

  • Le Rassemblement des Musulmans de France (RMF), est une courroie de transmission du Maroc. Les membres de son bureau sont tous marocains. Il a pour vice-président l’imâm radical de Tomblaine (Lorraine) Amine Nejdi, qui est aussi le président du Conseil régional du culte musulman en Lorraine. Auditionné par une commission d’enquête du Sénat, Nejdi qui est aussi membre du très officiel Conseil européen des oulémas marocains, soutient le meurtre des auteurs d’adultère dans ses cours sur la jurisprudence islamique, ainsi que le meurtre des prisonniers de guerre (à l’encontre de la convention de Genève). Dans le livre Mosquées Radicales, ce qu’on y dit, ce qu’on y lit (DMM, 2016) ses écrits sur la « sanction » et « punition » qui doit être infligée à l’apostat, et son apologie de « la législation islamique qui doit instaurer une société idéale », sont très inquiétants. Effectivement, la seule sanction connue contre l’apostat dans le sunnisme est la peine de mort. Il est piquant que son site internet où il diffuse cela soit intitulé « Al Wassat », soit le « juste milieu », expression bernant les non musulmans y voyant là une marque de modération. Ecoutons-le :

  • L’Union des Musulmans de France (UMF) est une scission du RMF, aussi marocaine, composée de membres plus modérés.
  • La Grande mosquée de Paris (GMP) qui est aussi une fédération regroupant environ 700 mosquées est pilotée par l’Algérie. Dans le « Guide de l’etudiant GMP» de son école d’imâms, les « références » documentaires renvoient à deux penseurs des Frères Musulmans, Yussef Al-Qaradawi, Wahbat Az-Zouhayli, tous deux prescrivant de tuer les apostats. Aussi, l’ouvrage Ar Risâlat de Ibn Abi Zayd Qayrawani appelant au djihad offensif et à tuer ceux qui insultent le prophète est aussi une « référence » dans le Guide de l’étudiant de la Grande Mosquée de Paris ! Cette convergence avec les Frères Musulmans de l’UOIF a toujours été assumée par Dalil Boubakeur, qui avait même pris la défense de l’organisation quand six de ses conférenciers extrémistes orientaux furent interdits de séjour en 2012 pour leurs appels au meurtre lire ici ! Abdallah Zekri, cadre de la GMP, prend souvent la parole dans les médias en tant que directeur de l’Observatoire contre l’islamophobie de l’institution (à ne pas confondre avec le CCIF), dont on lira les positionnements éclairant dans la conclusion.

Conclusion :

Vouloir des imâms français et modérés, détachés des puissances étrangères, est une volonté affichée par Emmanuel Macron et Gérald Darmanin, en totale contradiction avec un recours au CFCM pour sa réalisation. On ne fait pas plus opposé aux valeurs de la république que les orientations idéologiques des principaux acteurs du Conseil. Une dernière illustration est la prise à partie virulente de Jean-Michel Blanquer et Marlène Schiappa par Abdellah Zekri en novembre 2019. Lors de sa prise de parole au congrès du Milli Gorus en tant que directeur de l’Observatoire national contre l’islamophobie du Conseil Français du Culte Musulman. Abdellah Zekri s’attaqua à la ministre en ces termes :

« Jean-Michel Blanquer, assure que les élèves de sexe masculin seraient plus fortement scolarisés en maternelle par rapport aux filles, à cause du fondamentalisme islamique. C’est encore les musulmans qui font les frais des déclarations mensongères des ministres ! (…) Marlène Schiappa, nous sommes tous peinés qu’il y a plus de cent femmes assassinées en France, au lieu de s’occuper de ces problèmes, elle se permet de donner des leçons et s’indigner que les femmes musulmanes n’ont pas le droit à la même héritage (sic) que le garçon. De quoi se mêle-t-elle ? Est-ce qu’elle a fait le Coran (sic) ? Est-ce qu’elle a lu exactement quelles sont les règles de l’héritage dans l’islam ? » source

Abdellah Zerki ignore-t-il qu’en France les parts d’héritage en ligne directe entre fille et garçon sont équitable ? Étant algérien et musulman, il s’en contrefiche. Voilà donc un des hommes choisi par Macron et Darmanin pour lutter contre le séparatisme islamiste.

Zekri est un des responsables de la Grande Mosquée de Paris réputée à tort donc pour sa modération, s’en est aussi pris à la jeune Mila menacée de mort en ces termes «qui sème le vent récolte la tempête. Cette fille, elle sait ce qu’elle a dit. Elle a pris ses responsabilités. Qu’elle critique les religions, je suis d’accord, mais d’insulter et tout ce qui s’ensuit… Maintenant, elle assume les conséquences de ce qu’elle a dit ».

Une dernière citation de Zekri sur l’assimilation à la société française datant de 2017 : « Je suis français par acquisition de la nationalité, mais je n’ai pas oublié mes origines, je suis algérien et fier de l’être. (…) l’assimilation c’est la négation de soi, de sa culture, de sa civilisation, de ses origines, c’est à dire je deviens rien du tout [nda : donc devenir français ce n’est rien !], je deviens dans le moule, je deviens français. Je l’ai dit à des hommes politiques, je ne suis pas assimilable, je suis un poison musulman, celui qui veut m’assimiler s’il me mange il meurt » source